« Je sens les rayons du soleil sur mon visage »
Raja*, 10 ans, est tenace.
Plus tenace que la bataille qui a opposé les soldats irakiens et les combattants de l’EIIL pour le contrôle de sa ville natale, Mossoul.
Plus tenace que l’explosion meurtrière qui s’est produite juste à côté d’elle alors qu’elle fuyait sa maison, terrifiée. Plus tenace que les conséquences brutales subies par son petit corps.
Raja est plus tenace que les nombreuses chirurgies qu’elle a subies suite aux graves blessures de sa main, ses jambes et ses pieds. Et elle est plus forte qu’une vie en fauteuil roulant, dans une ville dévastée encombrée de gravats.
Elle est même plus tenace que le souvenir de ce qui lui est arrivé. Deux ans plus tard, elle parvient enfin à en parler.
Regardez Raja partager son expérience de la guerre à Mossoul, en Irak, dans la vidéo ci-dessous :
Souvenirs de l’horreur
« C’était vendredi, le jour de prière », se souvient-elle. « Il y avait des combats et des bombes partout. J’étais terrifiée, alors je me suis enfuie de chez moi. C’est alors qu’une bombe est tombée à côté de moi. »
Cet instant de violence a changé l’enfance de Raja pour toujours. Âgée d’à peine 10 ans, elle était devenue une victime de la guerre.
La « bombe » était un explosif non identifié. Les troupes gouvernementales irakiennes se battaient pour libérer Mossoul du contrôle des combattants de l’EIIL. La bombe aurait pu venir de n’importe où.
« Je me souviens d’avoir été étendue sur le sol », dit-elle. Elle ne parle pas de la douleur. Vu l’étendue de ses blessures, elle était probablement sous le choc. « J’ai regardé ma main qui saignait. Du sang coulait aussi de mon ventre. »
Des voisins ont vu Raja par terre et ont bravé les combats pour accourir auprès d’elle. Ils l’ont emmenée à l’hôpital, où les médecins se sont battus pour arrêter le saignement et sauver ses jambes et ses pieds.
Mais aucun médecin n’est qualifié pour sauver l’esprit d’un enfant. Son esprit luttait pour survivre.
Blessures psychologiques
Après deux mois, Raja a quitté l’hôpital et a dû affronter le quotidien.
Elle avait perdu sa main. Ses jambes et ses pieds étaient gravement mutilés. Elle n’a obtenu un fauteuil roulant que plusieurs mois plus tard, lorsque Vision Mondiale lui en a fourni un. Pour se déplacer, elle devait être portée, même pour aller aux toilettes.
Et les blessures étaient bien plus profondes que les dommages physiques.
Certains enfants sortis vivants de la bataille pour Mossoul et des années d’occupation de l’EIIL étaient trop terrifiés pour parler.
Et maintenant, deux ans après la libération de la ville, des centaines d’enfants survivants ne peuvent toujours pas affronter le monde extérieur. Ce qui s’est passé là-bas était trop horrible. Leur instinct de survie leur crie qu’il est plus sûr de rester à l’intérieur.
Vision Mondiale trouve des enfants comme Raja à l’intérieur de leurs maisons brisées.
Doucement, nous invitons ces jeunes survivants à visiter un endroit où les enfants sont en sécurité, au contraire de l’environnement qu’ils ont connu ces dernières années. Ce nouvel endroit est conçu pour les enfants. Un espace sécuritaire pour enfants.
Un endroit pour les enfants
Il a fallu beaucoup de courage à Raja pour s’aventurer à nouveau hors de chez elle.
« Je ne voulais pas quitter la maison, alors je restais à l’intérieur », se souvient-elle. « Parfois, je m’asseyais sur le pas de la porte et je sentais les rayons du soleil sur mon visage. »
Dans le calme après la bataille, peut-être que cette chaleur était thérapeutique. Peut-être qu’elle l’a aidée à garder espoir.
Pourtant, il y avait tellement de raisons de ne pas sortir. Son corps était différent. Il fonctionnait différemment. La ville en ruines était un parcours d’obstacles. Et l’espace sécuritaire pour enfants était un lieu inconnu.
Finalement, Raja a trouvé le courage. Elle a pris le risque.
Aider Raja à guérir
C’est au sein de l’espace sécuritaire pour enfants que Raja a commencé à reprendre sa vie en main. Des images représentant la beauté de la nature ornaient les murs. Elles étaient créées par des enfants déterminés à voir plus loin que les décombres de leur ville.
Ce petit sanctuaire est précieux pour les enfants. Dehors, une grande partie de la ville demeure dangereuse, ils ne peuvent pas sortir jouer. Les zones de guerre urbaines regorgent de pièges, des immeubles vacillants prêts à s’effondrer aux mines qui menacent d’exploser.
Mais à l’intérieur, tout était stable et prévisible. Le personnel parlait doucement et gentiment. Personne ne poussait Raja à parler ou à s’investir avant qu’elle soit prête. Elle pouvait simplement regarder et écouter les autres enfants peindre, jouer, chanter des chansons.
Et ce n’est pas tout. Raja a pu rencontrer des travailleurs qui prennent bien soin des enfants, ainsi que des spécialistes qui connaissent les besoins psychologiques des enfants qui ont survécu à l’enfer sur terre.
Dans les mois suivants, grâce aux soins professionnels, à l’aide financière d’une organisation partenaire locale et au soutien infaillible de sa famille, son esprit a lui aussi commencé à guérir. Une telle guérison n’est pas facile. Mais elle est possible.
Aujourd’hui, on croirait que les rayons de soleil qui réchauffaient autrefois le visage de Raja émanent désormais d’elle.
« J’aime chanter », dit-elle avec un large sourire. « J’aime dessiner et peindre. J’aime dessiner des montagnes et des rivières… parce que je veux visiter ces endroits. »
Comme par miracle, les enfants peuvent réconcilier l’horreur et l’espoir. Avec les soins adaptés, du soutien et de la sécurité, l’espoir devient plus fort chaque jour. Peu à peu, l’horreur disparaît.
Paix et sécurité
Raja a 10 ans, elle sera bientôt une adolescente. Il y a tellement de choses auxquelles penser. Tout comme les jeunes d’ici, elle fera face au processus normal d’apprentissage, de développement, d’élaboration de son avenir.
Et bien que sa ville soit en ruines, dans sa tête, Raja se construit déjà un avenir. Rendue plus forte par les horreurs du passé, Raja fera de son avenir quelque chose de merveilleux. Elle veut aider les autres.
« J’aimerais être médecin », dit-elle. « Tout comme le médecin qui m’a aidé, je veux aider les autres moi aussi. » Pour de nombreux enfants irakiens, les médecins sont des superhéros qui sauvent des vies.
Raja ne pourra pas travailler dans le même hôpital de sitôt, car il a été détruit par des bombes peu après qu’elle en soit sortie. Le chemin est encore long.
De la joie dans les ruines
Pendant que Raja racontait son histoire, sa mère était assise tout près. Elle a ressenti chaque émotion que sa fille décrivait.
Elle s’est mise à pleurer lorsque Raja a parlé du jour où elle avait été blessée et de ce qu’elle avait traversé pour guérir. Et quand Raja a commencé à chanter, le visage de sa mère s’est illuminé d’amour et de fierté.
Raja est-elle fière de tout ce qu’elle a accompli? Elle n’utilise pas ce terme. L’adolescente est déterminée, son mode de pensée peut être difficile à comprendre. Mais peut-être que c’est en partie pour ça que son esprit a survécu.
« Ces choses qui me sont arrivées... cela arrive, parfois », explique Raja. La résignation sur son visage n’est pas celle d’une fillette de 10 ans.
« Je suis juste heureuse d’être en vie. »
La pauvreté dans le monde diminue, mais elle est plus concentrée dans les endroits les plus sombres de la planète. Au cours de la prochaine décennie, plus de 80 % des enfants et des familles les plus pauvres du monde vivront dans les endroits les plus dangereux, où leurs vies sont menacées par les conflits et les catastrophes. Rejoignez le mouvement et luttez contre l’injustice. Voir comment vous pouvez aider.
* Nom fictif pour protéger son identité.
Toutes les photos sont de Brett Tarver