À Nueva Guadalupe au Salvador, ces adolescents ne font pas la grasse matinée : ils se lèvent avec les coqs... littéralement!
Sa chevelure blonde se démarque au milieu des jeunes. Ceux-ci débattent des avantages de vendre leurs poules ou de les garder pour qu’elles produisent des œufs. Carlos Torres Santos, surnommé Chele, soit « Le Blanc », est président de cette coopérative d’élevage de poules et il ne fait aucun doute qu’il dirige ce conseil d’administration.
Ce sont les jeunes qui possèdent et dirigent la coop de cette petite ville aux abords de San Salvador, au Salvador, qui compte 28 membres, âgés de 13 à 26 ans. Sandra Benavides, membre du personnel de Vision Mondiale, travaille avec le groupe. Elle nous confie qu’ils s’occupent de 400 poules offertes par le maire en plus du bâtiment.
« Il [le maire] vient d’un milieu très défavorisé et s’est reconnu dans cette jeunesse », nous explique-t-elle.
Cette entreprise est née de Youth Ready, un programme dirigé par Vision Mondiale au Honduras et au Salvador, qui donne aux jeunes les outils nécessaires pour se construire un avenir loin des gangs de rue. San Salvador, toute proche, est la septième ville la plus violente au monde. La plupart des jeunes rejoignent des gangs de rue par peur, ou sont exploités par l’un d’eux, ou bien les intègrent par nécessité, n’ayant pas d’autres moyens de gagner leur vie.
Apprendre à faire face aux défis de l’existence
Le programme Youth Ready se divise en modules d’apprentissage. Les adolescents participent non seulement à des cours d’anglais, mais apprennent également des compétences essentielles pour renforcer leur résilience face aux aléas de la vie. Parmi ces dernières : avoir une vue positive de leur identité, savoir défier les stéréotypes, connaître leurs responsabilités de citoyens, les droits des enfants, acquérir des compétences en communication, et bien plus encore.
C’est une base importante, car bien des jeunes viennent de foyers brisés et n’ont jamais connu l’amour et l’encouragement de parents ou de tuteurs. Comme le dit Chele : « Ce que nous avons appris dans le premier module (Des compétences pour la vie) nous ne l’apprenons pas à l’école. Mais nous avons besoin de ces compétences, que nos parents ne peuvent pas toujours nous apprendre. »
Tout au long de la formation, les jeunes reçoivent un mentorat officiel de la part d’un conseiller choisi avec soin, pouvant les guider au travers des difficultés, par exemple que faire en cas de perte d’un emploi, s’ils sont obligés d’arrêter l’école pour subvenir aux besoins de leur famille, ou comment gérer leur passé violent.
Un projet devenu vocation
Chele et ses amis ont travaillé ensemble sur un des devoirs du premier module Youth Ready, pour lequel ils ont été mis au défi de concevoir un plan d’affaires auquel ils pourraient tous participer. La rédaction du plan d’affaires de la coopérative les a tellement enthousiasmés qu’ils ont contacté Sandra Benavides, animatrice de Youth Ready, pour concrétiser leur idée.
« Ils ont travaillé ensemble sur leur projet pour les volailles : comment déterminer la clientèle, où vendre les œufs, comment documenter le partenariat. Quand le premier œuf a été pondu, cela a été un grand moment pour un eux! », raconte-t-elle.
C’est au tour de Chele d’aller vendre les œufs au marché.
Les jeunes nourrissent et abreuvent les poules, nettoient et ramassent les œufs chacun leur tour. Chaque jour, plus de 360 œufs sont ramassés et nettoyés, puis emportés au marché pour être vendus.
Vision Mondiale leur a offert des formations et un soutien légal, et a récemment fait don de deux vélos dont les jeunes se servent pour transporter leurs œufs jusqu’au marché.
Comme beaucoup de jeunes entrepreneurs partout dans le monde, ces adolescents utilisent des technologies connues pour les aider : WhatsApp pour gérer leur calendrier, leurs communications et leurs ventes, Facebook pour annoncer la récolte de leurs légumes ou pour indiquer le lieu de la prochaine vente d’œufs.
Mettre les leçons en pratique
Le chemin a cependant été semé d’embûches. Comme les poules pondeuses demandent des quantités importantes de nourriture, le groupe dépense la plupart de ses bénéfices en aliments pour volailles. C’est dans ces cas que les leçons de la première heure se sont avérées bénéfiques : elles leur ont appris à survivre à des obstacles de ce type et à y trouver des solutions.
Sandra (complètement à gauche), membre du personnel de Vision Mondiale, assiste à une réunion de la coopérative au cours de laquelle sont discutés les prix de vente, le partage des bénéfices et le calendrier. Les décisions d’affaires sont prises par vote, comptées et consignées chaque fois.
Dans le cas présent, une serre voisine inoccupée leur offrait la possibilité de faire pousser des concombres et des poivrons qu’ils pouvaient vendre pour acheter des aliments aux poules.
« Nous avons présenté notre plan à une association agricole locale qui possédait la serre et dont le vice-président fait du mentorat pour
Youth Ready. Ils nous ont dit combien ce plan les avait impressionnés et ils ont voté de nous louer la serre pendant un an. Maintenant qu’ils ont vu notre succès, ils veulent la récupérer », annonce fièrement Chele.
Gloria sourit en tenant un œuf à la main.
En fin de compte, la principale réussite de cette entreprise est d’avoir donné à ses membres la possibilité de rêver d’un avenir. Gloria, 26 ans, et William, 22 ans, appartiennent à la coopérative. Ils sont mariés depuis deux ans. « Cela fait une grande différence dans nos vies. C’est une occasion incroyable d’apprendre et de prévoir pour l’avenir. Peut-être qu’un jour, nous pourrons ouvrir notre propre entreprise grâce à ce que nous aurons appris ici. »
Un guide pour les communautés avec enfants parrainés
Même si les participants à
Youth Ready ne sont pas des enfants parrainés, la démarche du programme a bien permis aux jeunes d’avoir les outils nécessaires pour effectuer une transition efficace vers l’âge adulte. Et ce, à tel point que les programmes de développement de régions au Salvador et au Honduras ont conçu leurs propres projets selon ce modèle.
Écrit par : Marie Cook
Photographies de Paul Bettings