Une art-thérapeute rentre chez elle pour travailler avec des femmes et des enfants

janv. 18, 2017
Lecture de 10 minutes
Auteur Cecil Laguardia;
La crise en Syrie
Situations d'urgence

 

Jwan Omar fait partie des enfants nés pendant la guerre. Elle n’avait qu’un mois (et son frère, Shwan, un an) lorsque son père a été enlevé par des milices à Bagdad et a disparu. La famille a appris plus tard qu’il a été brûlé vif. Ils n’ont jamais su pour quelle raison. Quand Jwan a eu 7 ans, sa mère a décidé de quitter Bagdad pour Sulaymaniyah, dans le Kurdistan d’Irak. Aujourd’hui au début de la quarantaine, Jwan est revenue dans son pays pour aider les personnes récemment déplacées ou affectées par le conflit actuel.

Pouvez-vous imaginer ce que ma mère, Fatima, a enduré ?  demande-t-elle.  Elle était sans emploi, n’avait plus d’époux et devait lutter pour élever deux enfants en pleine croissance. Je ne sais pas comment elle a fait pour survivre et nous élever seule , dit-elle.

Depuis son plus jeune âge, Jwan a toujours su qu’elle avait l’art dans le sang. Passionnée de sculpture, elle a décidé de suivre des études en arts plastiques dans un institut à Sulaymaniyah. Jwan se remémore tendrement les moments où sa mère lui disait qu’elle tenait son penchant pour l’art de son père, qui était un charpentier très doué.  S’il n’y avait pas eu ce conflit et cette violence autour de nous, j’aurais pu connaître mon père , déplore-t-elle.

Avec le temps et beaucoup de travail, Jwan a obtenu son diplôme en arts plastiques spécialisé dans l’art-thérapie. Après avoir vécu à l’étranger notamment en Suède et au Canada pendant plus de 20 ans, elle a senti qu’il était temps pour elle de revenir à ses racines.

Quand elle a appris que les conditions en Irak s’étaient aggravées, Jwan se souvient avoir été malheureuse. Elle s’est vu mettre au défi de rentrer chez elle pour aider ses compatriotes en grand besoin. Au début, elle travaillait avec une organisation locale qui, par le biais de l’art, venait en aide à des enfants de réfugiés syriens traumatisés par la guerre. Elle a réalisé l’impact que l’art avait sur leur vie et a compris la nécessité de mettre en place des programmes comme celui-ci. Aujourd’hui, elle travaille en tant que superviseuse dans un espace pour mères et jeunes enfants de Vision Mondiale situé dans le gouvernorat de Sulaymaniyah en Irak.

 Mon objectif personnel vis-à-vis de ce programme est de redonner le sourire aux enfants déplacés , affirme-t-elle, pleine de conviction, consciente à quel point l’art peut donner aux personnes l’opportunité de s’exprimer.  Même la plus simple des activités artistiques peut être l’occasion pour les femmes et les enfants de commencer leur processus de guérison , dit Jwan.  Le plus important est de les aider à rendre cela possible. Nous les guidons afin qu’ils se sentent soutenus et entourés », ajoute-t-elle.

Je sais ce qu’ils ressentent. J’aimerais aussi encourager les femmes irakiennes à ne jamais baisser les bras et ne jamais perdre espoir », ajoute-t-elle. Bien que le travail de Vision Mondiale ne soit qu’un début, Jwan est très enthousiaste, car elle sait que les femmes irakiennes ont beaucoup à offrir.

Les femmes irakiennes doivent avoir confiance et rester fidèles à elles-mêmes, dit-elle.  Elles pensent trop souvent aux attentes des autres. [Mais], elles ne se laissent pas abattre. Elles ont traversé tellement d’épreuves. Elles doivent s’occuper de tellement de choses, notamment des besoins de toute leur famille. Elles doivent prendre conscience du pouvoir qu’elles ont et privilégier ce qui est le mieux pour elles , explique-t-elle.

Jwan pense que beaucoup de femmes dans le monde considèrent leur liberté et leur belle vie comme acquises. Elle s’adresse aux autres :  Acceptez votre réalité et soyez reconnaissantes. Les biens matériels ne durent jamais. Trouvez ce qui peut nourrir votre cœur et votre âme », encourage-t-elle.  Ma mère m’a appris à être patiente et reconnaissante. Elle a souffert sans relâche, mais elle a continué à aller de l’avant et n’a jamais perdu espoir , ajoute-t-elle.

Les leçons qu’elle a tirées de mère Teresa, Gandhi et Nelson Mandela l’ont encouragée à faire son possible pour aider les siens. « Nous sommes forts, affirme-t-elle. « Nous sommes des survivants. Nous avons enduré tellement d’épreuves, mais nous continuons de résister. Nous sommes comme des poissons, beaucoup voudraient nous attraper, mais personne n’y parvient. 

Pour finir, Jwan souhaite au peuple irakien ainsi qu’au reste de l’humanité de vivre en paix. Tout le monde mérite de vivre en paix, où qu’il soit, dit-elle. ​